Le sachet plastique : le nécessaire changement de narration et de perspective
Les sept milliards d’êtres humains que nous sommes, vivons sous la menace d’un terrible fléau auquel notre monde est confronté, la pollution plastique. Plus de 400 millions de tonnes de plastiques envahissent, en effet, tout l’écosystème ; une quantité qui doublera à l’horizon 2040, selon les scientifiques qui prédisent qu’en 2050, soit une dizaine d’années plus tard, il y aura plus de plastiques que de poissons dans les océans, mers et fleuves. Quelle catastrophe !
Aucun pays ne doit rester en marge de la lutte contre les plastiques.
Au Mali, le Gouvernement a adopté en janvier 2012, une loi portant interdiction de la production, de l’importation, de la détention, de la commercialisation et de l’utilisation des sachets plastiques non-biodégradables et granulés sur tout le territoire national. Elle a été modifiée en 2014.
Malheureusement, très peu de choses ont changé.
L’importation, la production, l’utilisation des sachets plastiques ont continué de plus belle et très peu sont recyclés. Juste, une partie des plastiques traditionnels a été remplacée par des plastiques oxo-dégradables qui, faut-il le souligner, posent encore plus de problèmes que les autres car se délitant dans la nature en de plus petits particules difficilement gérables.
Les plastiques posent d’énormes problèmes : pollution physique, chimique, environnementale. Ils bouchent des caniveaux et des égouts engendrant de graves inondations. Ils polluent nos fleuves comme le Niger. Les animaux les avalent et en meurent. Nous les respirons et les mangeons quand les microparticules entrent dans la chaîne alimentaire (poisson, eau, aliments chauds que certains de nos concitoyens mettent dans des sachets plastiques).
Et, si depuis plusieurs années, on constate, avec une relative satisfaction, la croissance du nombre de GIE qui collectent les déchets à Bamako, il est regrettable de remarquer, dans le même temps, le manque, souvent criard, d’outils adéquats de travail au niveau de ces structures. Toute réalité qui les rend inefficaces.
Par ailleurs, les déchets collectés ne sont pas toujours acheminés dans des dépôts de transit officiels. On se contente, généralement, de les déplacer d’un endroit à un autre sans les traiter correctement ou les enfouir dans une décharge. Résultat : le vent finit par les ramener dans leur lieu de départ : votre cour.
Il est temps que nous cessons de faire la politique de l’autruche en pensant qu’il suffit de déplacer les déchets en les mettant hors de portée de vue pour trouver les solutions aux nombreux problèmes qu’ils posent quotidiennement.
Problèmes face auxquels, reconnaissons-le, notre responsabilité envers les générations futures est, plus que jamais, engagée et nous oblige à chercher et trouver rapidement des solutions de rechange.
Ces solutions sont à notre portée d’autant que certains types de plastiques y compris les plastiques durs (bidons, bouteilles, bassines, jouets…) trouvent, aujourd’hui, des acheteurs spécialisés dans leur recyclage : exemple de l’économie circulaire. Il faut souligner avec force le problème majeur lié aux sachets plastiques dits oxo, impossibles à recycler car contenant un produit qui dégrade le plastique à la lumière et à la chaleur. Il existe deux solutions pour gérer ces plastiques : les bruler mais de manière contrôlée pour éviter l’émission de polluants dans l’air (par exemple dans une cimenterie) ou les mettre dans des bidons pour réaliser des éco-brick.
C’est dans ce contexte, qu’en juin 2019, la Fondation Santé-Environnement (FSE) a initié le projet « Initiative de Bamako sans déchets plastiques ». Il a permis la collecte de plus de dix huit tonnes de sachets plastiques en communes 6 et 1 gracieusement mis à la disposition de recycleurs pour la fabrication de pavés en grande partie utilisés pour le pavage d’une rue à Badalabougou.
Aujourd’hui, la Fondation veut aller plus loin avec des approches Villes-Santé, Marchés-Santé, en aidant notamment à faciliter l’application de la réglementation, à rendre Bamako et d’autres villes plus propres, à contribuer à la réduction des risques d’inondations, et à rendre notre cadre de vie plus respectueux de l’environnement et de la santé humaine et animale.
Pour ce faire, elle a réalisé deux études de terrain afin de s’imprégner de l’état de connaissance de la loi, de la perception des utilisateurs et des producteurs mais aussi une consultation des différentes parties prenantes sur les pesanteurs et possibles solutions. Si plus de 98% de la population n’ont aucune connaissance de la réglementation en vigueur, plus de la moitié pensent que le remplacement des sachets plastiques par d’autres matériaux (papier, tissus, paniers, etc.), serait une meilleure solution pour diminuer l’utilisation des ces sachets au Mali et surtout à Bamako. Ceci devrait encourager nos autorités à être plus volontaristes afin d’accélérer l’interdiction stricte des sachets plastiques. Le Rwanda que plusieurs d’entre nous ont visité y compris nos autorités , a montré la voie à toute l’Afrique.
Notre responsabilité éco citoyenne est engagée. Les pistes de solutions suivantes peuvent faire avancer la lutte :
- Introduire des incitations économiques incluant des réductions de taxes, l’allocation de fonds à la recherche et au développement, le soutien à l’incubation technologique, la promotion de partenariats publics-privés;
- Soutenir les projets de revalorisation ou de recyclage des produits à usage unique, transformant les déchets potentiels en ressources ;
- Stimuler et appuyer la création de micro-entreprises, en vue de favoriser la création d’emplois et la croissance économique.
- Promouvoir des alternatives locales à l’utilisation des sachets plastiques
Dans tous les cas, il faudrait des approches intégrées et conjointes pour arriver à bout de la pollution plastique. Tous les acteurs rencontrés, sont unanimes sur la nécessité de mener une sensibilisation intense pour des changements de comportement durables. Il est indéniable que dans les jalons à poser la réduction de l’utilisation des sachets plastiques est fondamentale, c’est le socle. La perception du sachet plastique doit changer, il ne s’agit pas d’une matière inerte mais d’une matière empreinte d’une très grande toxicité. Disons non aux sachets plastiques et retournons à nos vieilles bonnes méthodes. Si chacun de nous pouvait agir dans ce sens, on aurait déjà parcouru la moitié du chemin.
Il faut aussi lever l’ambiguïté autour du biodégradable, faciliter le travail des structures de contrôle et de répression, car pour tester les plastiques et vérifier leur biodégradabilité, il faut des équipements très coûteux et, qui plus est, pour un résultat désastreux parce que les sachets biodégradables en se dégradant se mettent en petits morceaux absorbables par tout être vivant. Il faut tout simplement aller vers l’INTERDICTION PURE ET SIMPLE DU SACHET PLASTIQUE au Mali, qu’il soit biodégradable ou non, et ouvrir la porte à d’autres alternatives comme les sacs réutilisables, paniers et autres. Leur fabrication va générer de nombreux emplois et leur coût de départ sera très vite amorti du fait de leur réutilisation. Ce coût est bien inférieur à celui des impacts des sachets plastiques. Combien coûtent les inondations, les pertes de cheptel et les atteintes irréversibles à notre environnement, les maladies engendrées comme les maladies diarrhéiques, les maladies respiratoires, l’infertilité et les différents cancers ?
Ayons le courage d’agir maintenant ! Rejoignez -nous pour une action citoyenne de masse.
Auteur: Fondation Santé – Environnement (FSE)